« La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. »
Hannah Arendt, philosophe allemande naturalisée américaine, (1906-1975)
« La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie. »
Hannah Arendt, philosophe allemande naturalisée américaine, (1906-1975)
12 Avril 1961: premier vol d’un être humain dans l’espace réalisé par Youri Gagarine au cours de la mission Vostok 1.
L’Union soviétique avait jusqu’à ce jour généralement une image de pays arriéré pour le reste du monde : celle-ci est complètement effacée par la réussite du programme spatial soviétique qui est à son pinacle. Le vol de Gagarine relance la course à l’espace. Le 25 mai, John Fitzgerald Kennedy président des États-Unis dans un discours historique que les États-Unis enverront un homme sur la Lune avant la fin de la décennie.
A l’heure ou l’Espagne s’enfonce un peu plus dans la tourmente et que l’Europe semble à nouveau à la merci de la crise de l’Euro, Susan George, Stéphane Hessel et Edgar Morin (169 ans à eux trois comme le faisait remarquer Rue89) ont réunis leurs amis autour du collectif Roosevelt 2012. Considérant que « la première bataille à mener aujourd’hui est une bataille intellectuelle » et en se basant sur les écrits du prix Nobel Joseph Stiglitz (« Le triomphe de la stupidité »), ils se proposent de « dire l’urgence et redonner l’espoir » avec des propositions dignes du « New Deal » mis en place par F. D. Roosevelt à partir de 1933.
Michel Rocard – qui fait partie du collectif – affirmait en 2007 que «le capitalisme vivait une crise suicidaire pour l’humanité». C’est forts de ce constat et de la certitude que « nos sociétés approchent d’un point de rupture, d’un point de non-retour« , que le collectif Roosevelt 2012 s’est formé.
La volonté des membres est de livrer bataille sur le terrain institutionnel et idéologique. Parce que « si ce sont des décisions politiques qui nous ont amenés à la crise, d’autres décisions politiques peuvent nous en sortir » comme l’explique le manifeste. Pour les membres du collectifs, le problème de nos sociétés aujourd’hui est essentiellement un problème de diagnostic. Qui s’il est mal posé ne peut déboucher sur aucune solution:
« Plutôt que de s’attaquer aux racines de la crise, plutôt que de changer radicalement un système économique que tous, en 2008, disaient vouloir transformer de fond en comble, nos dirigeants ont continué la fuite en avant, en remplaçant la «transfusion» de dette privée par une transfusion de dette publique«
La chute est inéluctable: évolution de la dette totale des États-Unis (dette des familles + dette des entreprises + dette des collectivités et de l’Etat fédéral)
L’idée derrière « Roosevelt 2012 » est finalement assez simple: si la crise économique de 2008 est la plus importante depuis celle de 1929, peut-être serait-il intéressant d’aller chercher du coté des remèdes utilisés à l’époque… C’est là que le New Deal de Roosevelt sort des archives.
En 1933 aux États-Unis « l’activité législative est prodigieuse: en 3 mois, Roosevelt fait adopter plus de réformes que Hoover en 4 ans. Le processus est d’une rapidité extraordinaire: certaines lois sont présentées, discutées, votées et promulguées dans la même journée. »
Si la nouvelle donne proposée par Roosevelt n’a pas permis de sortir totalement le monde de la crise économique (laquelle, tristement, ne sera véritablement chassée que par la Seconde Guerre Mondiale), elle aura au moins permis de poser les bases du système économique qui permettra l’épanouissement des 30 glorieuses. Ce même système que les libéraux se sont échinés à « détricoter » depuis les années 70 à coup de dérèglementations.
S’inspirant du programme réalisée par le président démocrate dans les Années Trente, les propositions du collectif (voir ci-après) s’articulent autour de 3 axes :
Les mesures d’urgence pour un plan anti-crise sont bien évidemment à l’usage du futur président de la République:
« Le but de notre collectif est simple : provoquer un sursaut ! Dire la gravité de la crise et alimenter le débat démocratique avec 15 mesures d’urgence que le nouveau Président de la République devra mettre en œuvre dès les premières semaines, après son arrivée au pouvoir en mai prochain. »
Dans la zone euro, les entreprises prennent chaque année l’équivalent de 1 % du PIB dans la poche de leurs salariés, en plus de ce qu’elles ont fait les années précédentes
L’objectif est de rassembler un maximum de citoyens pour faire pression sur nos dirigeants. Comme le manifeste le fait justement remarquer: « Si l’on avait attendu un accord entre diplomates, le mur de Berlin serait encore debout. En 1989, ce sont des citoyens qui se sont levés et qui ont fait tomber un système politique qui niait la dignité de l’Homme.«
Le collectif Roosevelt 2012 lance donc un grand appel à signatures pour peser dans le débat public et tenter d’inspirer les candidats à la présidentielle en manque d’idée pour leurs programme.
Voici les 15 mesures d’urgences proposées par Roosevelt 2012 (également détaillées sur leur site):
Cette liste n’est pas sans rappeler celles formulées par les Économistes Atterrés dans leur manifeste, ou celles que nous proposions au mois de Décembre dans notre top 10 des mesures urgentes pour un plan anti crise. On y retrouve par exemple la lutte contre les paradis fiscaux, la taxe Tobin, et le sévère diagnostic sur le manque de démocratie des institutions Européennes.
Si ces collectifs de citoyens et ces différents manifestes se multiplient, espérons que cela permettra de gagner du terrain sur le plan idéologique. Il est grand temps que l’opinion réalise que le libéralisme forcené n’est pas l’unique alternative, et que loin d’être la solution il n’est que la cause des crises actuelles.
« Ouvrez une école et vous fermerez une prison.«
Victor Hugo, écrivain Français, (1802-1885), extrait de « Les Misérables »
6 Juillet 1916: première parution dans le journal Leslie’s Weekly du visuel de la campagne de recrutement de l’Armée Américaine pour la Première Guerre Mondiale. Dessiné par James Montgomery Flagg, Oncle Sam s’adresse directement au lecteur. Diffusé à grande échelle en 1917 et en 1918, l’image sera aussi utilisé à outrance durant la Seconde Guerre Mondiale et reprise et parodiée à travers le monde dans les décennies qui suivirent.
Affiche de recrutement de l'Arméee Américaine pour la Première Guerre Mondiale. Oncle Sam pointant le lecteur du doigt: "I Want You for US Army"
« L’Histoire me sera favorable car j’ai l’intention de l’écrire.«
Winston Churchill, homme politique Britannique, (1874-1965)
2 Décembre 1804: sacre de l’empereur Napoléon et couronnement de l’impératrice Joséphine, à Notre-Dame de Paris. Ce tableau a été peint entre 1805 et 1807 par Jacques-Louis David, peintre officiel de Napoléon Ier, qui représente une des cérémonies du couronnement.
« Watchmen » de Alan Moore et Dave Gibbons avait été formidablement adapté en Français par Jean-Patrick Manchette dans une première édition chez Delcourt. Seulement celle-ci était épuisée depuis des années et le nouveau détenteur des droits, Panini comics, avait ré-adapté la BD culte avec une traduction que la plupart des fans ne jugeaient pas à la hauteur de l’œuvre… Dès lors, sur le marché de l’occasion, l’intégrale « Watchmen » aux Éditions Delcourt a commencé a valoir une petite fortune…
Mon histoire avec « Watchmen » a commencée il y a une petite dizaine d’années. A l’époque un de mes amis, grand fan de bandes dessinées devant l’éternel, me glisse un soir entre les mains l’intégrale en édition originale (voir ci-contre). Je dévore toute la nuit durant le pavé comme un bon roman, et adhère sans limite à ce récit qui est d’un genre assez nouveau pour moi. Cette BD était tout simplement sublime !
Vint ensuite le moment où je du rendre le livre à mon ami… J’étais un peu triste de me séparer d’un tel ouvrage parce que je suis du genre à aimer avoir les livres dans ma bibliothèque, pour pouvoir les relire à ma guise ou les prêter à qui bon me semble. Et puis naïvement je m’imagine volontiers qu’il est important d’en conserver un exemplaire… au cas-où. Je suis sûr que certains lecteurs comprendront cette maniaquerie de collectionneur, qui comme vous pouvez l’imaginer peut aussi jouer des tours au porte-monnaie. Dès lors je me suis mis en quête de mon propre exemplaire de l’intégrale de « Watchmen ». Très vite j’appris que le livre n’était plus édité, et que la nouvelle maison disposant des droits, Panini comics, avait ré-adapté le livre en le faisant retraduire. Une traduction que les fans rejettent en masse, la considérant comme bâclée. Je comprends alors que la seule possibilité de combler mon âme de bédéphile est de chercher l’édition Delcourt sur le marché de l’occasion.
Commence alors une quête qui me mènera de bouquinistes en sites de vente aux enchères en ligne dans le seul but de trouver LE livre. Je me rends vite compte que je ne suis pas le seul et tous les bouquinistes me conseillent gentiment d’abandonner si je ne veux pas me ruiner. Mais je ne désespère pas. Et trois ou quatre ans après, je finis par découvrir Watchmen édition Delcourt en vente sur eBay… En déplacement professionnel le jour de la clôture de l’enchère, je prépare toute une stratégie pour ne pas que le précieux ouvrage ne m’échappe… Seulement à quelques secondes de la fin de la vente, au moment précis où j’allais renchérir une dernière fois pour l’emporter, le réseau wi-fi de mon hôtel est tombé en panne… pour ne redémarrer qu’une ou deux minutes plus tard quand la vente était terminée. Sur le point de s’achever quelques secondes auparavant, ma quête échouait lamentablement à cause d’un problème technique ! J’étais vert de rage ! En plus le livre est parti pour un peu moins de 100 euros… Si peu par rapport à sa valeur réelle… £$%?# de wi-fi !
Quelques mois après, mon ami me rappelle « – Tu sais quoi ? Le jeune chaton de ma copine… » « – Oui… » lui répondis-je « …et alors ?« . « – Il a fait ses griffes sur mes BD… Il m’a massacré l’intégrale de Watchmen« . Décidément ce livre avait vraiment quelque chose de mystique.
Alors pourquoi en faire autant pour ce qui n’est jamais qu’un vulgaire comic book ? (me demanderez-vous). Il faut déjà voir que « Watchmen » est peut être le meilleur du genre qui n’est jamais été écrit. Il a collectionné les récompenses dès sa publication en faisant sortir ses auteurs d’un relatif anonymat. En 1988 Watchmen obtient le prix Hugo, décerné chaque année aux meilleurs récits de science-fiction ou de fantasy, remis pour la première fois à une œuvre de bande dessinée. L’année suivante c’est au Festival de la BD d’Angoulême que Alan Moore et Dave Gibbons sont distingués, avec le prix du meilleur album étranger. Enfin, en 2005 le Times Magazine le classe parmi les 100 meilleurs romans de langue Anglaise écris depuis 1923, là aussi un cas unique pour un livre de bandes dessinées.
A ceux qui en l’ont pas encore lu – qui ne donnerait pas cher pour re-découvrir Watchmen pour la première fois ? – il faut expliquer que Watchmen n’est pas un comic de superhéros classique. Il est en quelque sorte une auto-critique des histoires de superhéros. On y voit les faiblesses des héros sensés nous protéger et sauver le monde. Se peut-il que Superman se trompe ? Agit-il toujours pour le bonheur des citoyens ? Et s’il devenait mégalo ? Agit-il pour maintenir l’ordre ou sauvegarder l’ordre établi ? Le monde des superhéros a classiquement toujours été très manichéen… Watchmen est beaucoup plus complexe avec des personnages aux personnalités très travaillées. Il aborde intelligemment la limite de délégation de pouvoir à transmettre à ceux qui sont sensés nous protéger, en posant pose la question « Who watch the watchmen ? » – traduite en français par « Qui nous gardera de nos gardiens ?« . Ces thèmes font de Watchmen une œuvre incroyablement riche et éminemment politique dont on ne ressort pas indemne.
En choisissant de placer leur histoire en 1988 après une uchronie (les États-Unis ont gagné la guerre du Vietnam grâce à leurs superhéros), les auteurs choisissent un univers surprenant pour développer leur idée d’un monde contrôlé et assez abjecte, dans un atmosphère de guerre froide et de risque nucléaire permanent. A la manière de Georges Orwell dans 1984 – dont l’influence est manifeste – Watchmen nous met en garde et nous invite à surveiller l’évolution du monde.
La nouvelle édition 2012 proposée par Urban Comics dans la collection « DC Essentiels » reprend les traductions originales de Jean-Patrick Manchette (voir ci-contre).
Avec l’acquisition de cette dernière, une quête de près de 10 ans s’est achevée et l’ouvrage trône désormais en bonne place dans la ma bibliothèque !
« À partir de maintenant, nous sommes tous des fils de pute.«
Kenneth Bainbridge, physicien nucléaire Américain, (1904-1996), déclaration juste après la détonation du premier essai atomique américain Trinity, le 16 juillet 1945.
Dans la digne suite du meeting du Bourget, ils étaient nombreux à Lyon hier soir à vouloir voir le candidat socialiste à la présidentielle en chair et en os. Selon les médias locaux il y avait hier plus de 12 000 personnes au palais des Sports de Gerland pour le meeting de François Hollande. Nous étions parmi eux.
Nous sommes nombreux à ne pas avoir suffisamment anticipé. Arrivés 20 minutes avant le début du meeting – prévu à 18 heures – il n’y a déjà plus de places à l’intérieur du Palais des Sports pour accueillir la foule militants venu soutenir François Hollande. Les gens s’agglutinent dehors, innombrables, sur le parvis du palais à regarder un écran géant retransmettant le meeting en direct. Aurélie Filippetti, députée socialiste de Moselle et membre de l’équipe de campagne de M. Hollande, accueille les visiteurs en annonçant le programme du meeting. « Elle est vraiment jolie » nous confie une jeune militante qui se félicite que le PS mette en avant des personnalités féminines et qui reconnait à Mme Filipetti un talent certains pour galvaniser le peuple de gauche.
Pendant ce temps, à l’entrée de l’enceinte on cherche toujours à rentrer et les esprits commencent à s’échauffer avec la sécurité qui bloque les portes. « Ils auraient du faire le meeting ici… » suggère un militant déçu en montrant le stade de Gerland à deux pas. « Je ne pouvais pas venir plus tôt après une journée de travail. Il s’imagine quoi Hollande ? Qu’on finit tous à 16H30 ? » explique-t-il, chambreur.
Sur l’écran géant on rejoue les grands moments de l’histoire socialiste (le PS a décoté quelques archives d’informations Pathé et INA). Depuis le Front Populaire de Léon Blum en 1936 à l’élection de François Mitterrand en 1981. Le public est ému. Les plus anciens racontent: « Mitterrand en 81, c’était quelque chose…« . On sent que le PS aimerait que les deux François n’aient pas que le prénom en commun… On enchaine ensuite avec une parodie de Coluche appelant à voter pour Hollande en 2012, ce qui fait bien rire les visiteurs du soir.
A coté de nous, Grégory, nous avoue qu’il envisage « pour la première fois de voter à gauche » lui qui traditionnellement penche au centre droit. Ce qui fait bien rire Christophe, un ami qui le connait depuis la fac: « Cela faisais des années que je cherchais à le convaincre » confit-il en se remémorant leurs débats enflammés au cours de soirées étudiantes, « mais finalement Sarkozy aura été plus efficace que moi » dit-il en riant. Les deux compères ont choisis de venir ensemble ce soir pour en apprendre plus sur le programme du candidat socialiste.
Après un bref portrait de l’homme du jour, c’est Gérard Collomb, maire de Lyon qui prend la parole. Rompu à la politique, populaire dans sa ville qu’il dirige avec succès depuis 2001, il sait qu’il est en terrain conquis. Il n’empêche. Le sénateur fait le métier et harangue la foule avec un talent d’orateur certains. Le rythme des phrases et le timbre de la voix rappellerait presque Jean Jaurès…
Dans la foulée, la sécurité à l’entrée des portes fait rentrer quelques personnes au compte-goutte dans le Palais des Sports. Ils restent quelques places… Mais elles sont chères et rapidement le chef de la sécurité annonce: « Cette fois, c’est fini, on ne fera rentrer plus personnes !« . « Ça fait déjà trois qu’il dit ça ! » me confit le sourire aux coins des lèvres un quadragénaire qui ne désespère pas de pouvoir enfin rentrer.
Autour de nous une femme explique « Il y a bien plus de monde que pour Ségolène en 2007. J’étais à Eurexpo pour son meeting avant le premier tour. On était en retard mais il y a 5 ans, ils acceptaient les gens jusqu’à la fin du meeting. » Habituée des manifestations et autres réunions politiques socialistes, elle nous fait remarquer, fière, qu’il y a de nombreux jeunes au meeting. Bien plus que d’habitude. L’effet de la présidentielle sans doute.
Sur le parterre du palais des Sports - à l'extérieur - les refoulés suivent le meeting sur écran géant (photo @SyntagmaVox)
Tandis que le discours tant attendu du candidat commence enfin, les « faucheurs volontaires d’OGM » scandent leurs slogans pour gagner des adhérents à leur cause. Ce genre de meeting est toujours le théâtre de manifestations d’organisations en tout genre trop heureuses d’avoir de l’audience. Nous seront ainsi abordé par l’association des opposants au projet du Stade des Lumières du Grand Lyon. Ils ont distribué inlassablement des tracts aux visiteurs: « Grand Stade, un projet socialiste ? » (faisant allusion au soutien inconditionnel de Gérard Collomb au projet). Bien peu de rapport avec la présidentielle.
Le candidat est lui acclamé et ses propositions appellent l’enthousiasme du public. Chacun mesure les progrès réalisés depuis 1 an par François Hollande dans l’éloquence et sa façon de s’adresser aux foules. Sa façon de systématiquement parler de Nicolas Sarkozy en l’appelant « le candidat sortant » (*) fait sourire une population qui conspue le chef de l’État dès que l’occasion lui en est donnée.
L’attente autour de François Hollande est énorme et c’est palpable. Ses détracteurs diront que c’est plus de l’anti-sarkozysme que du franc « hollandisme », mais le candidat socialiste déplace les foules. Même à Lyon, ville réputée bourgeoise (**).