Demain, (NDLR : 2 Décembre) seront désignés par la FIFA les pays organisateurs des prochaines Coupe du Monde de football de 2018 et de 2022. En raison des colossaux moyens financiers déployés par la candidature du Qatar pour 2022, celle-ci fait polémique.
Des stades high-tech
La candidature qatari prévoit la construction trois stades de plus de 45.000 places et entièrement climatisés pour vaincre la chaleur torride du désert du Golfe. Comme l’explique le cheikh Mohammad, président du Comité d’organisation qatari pour le Mondial-2022 :
« Nous allons construire des stades où la température ne dépassera pas les 27 degrés centigrades, en utilisant une technologie fonctionnant à l’énergie solaire avec des émissions réduites de CO2 » (source La Dépêche)
Sur les 12 stades prévus pour l’événement, (ceux à construire + ceux à agrandir), tous seront reliés à un métro en construction, a indiqué pour sa part Hassan Al-Thawadi, directeur du Comité d’organisation qatari. Globalement, c’est un plan de développement des infrastructures très ambitieux que prévoit le Qatar en consacrant près de 43 milliards de dollars pour la construction de nouvelles routes d’ici 2011, et trois milliards pour la construction d’une voie ferrée (selon le Comité d’organisation).
Vidéo officielle de présentation des stades :
Des soutiens recrutés à prix d’or
Pour parvenir à convaincre le monde du football du bienfondé de son projet, le comité d’organisation a utilisé les crédits quasiment inépuisables de la maison qatari pour recruter de précieux ambassadeurs.
Le Français Zinédine Zidane a par exemple apporté un soutien remarqué au pays du Golfe, en occupant même une place de choix dans la stratégie de communication du comité d’organisation.
« Il est temps de confier la Coupe du monde au Moyen-Orient. Le football appartient à tout le monde. Il est l’heure de le donner au Qatar. » a affirmé Zizou
Si son entourage évoque un choix personnel lié à son « envie d’offrir le premier Mondial au monde arabe« , le JDD révèle qu’il serait en réalité rémunéré un million d’euros pour cette prestation de 3 mois (source JDD). Ce qui explique sans doute plus sûrement pourquoi Zidane a choisi de soutenir le Qatar plutôt que la double candidature Espagne-Portugal, lui qui travaille en Espagne depuis 10 ans et dont le fils Enzo pourrait bien jouer un jour pour la sélection Espagnole…
Un autre soutien qui compte à l’heure de valider la construction des stades climatisés en plein désert, celui de l’ « écologiste » Yann Arthus Bertrand. Cela peut paraître dur à croire, mais le célèbre photographe cautionne le bilan carbone de ces stades (!) On notera au passage que la fondation du Qatar a financé une partie de la production de son film « Home« . Ceci explique peut-être cela…
Un autre ralliement surprenant est celui de Pep Guardiola, entraîneur du FC Barcelone, qui roule aussi pour le Qatar (source site officiel). Il aurait quand même semblé plus naturel que le Catalan – même s’il a terminé sa carrière de joueur dans le Golfe – s’investisse plus dans la candidature Hispano-Portugaise…
D’inévitables soupçons de corruption
Depuis l’enquête d’Andrew Jennings, journaliste à la BBC, publié en 2006 dans son livre « Carton rouge, les dessous troublants de la FIFA » (et ayant fait ensuite l’objet de reportages télédiffusés), on sait aujourd’hui que la FIFA est tout sauf une institution transparente. De nombreuses personnalités encore en place (dont son président Sepp Blatter) ont fait l’objet d’accusations sans qu’il ne soit fourni de preuve formelle pour les discuper. La FIFA a par ailleurs la réputation de faire du chantage auprès des journalistes pour que tout le monde évite d’évoquer ces dossiers noirs. Dans ce contexte – et avec plus d’argent en jeu que jamais – il n’est donc pas étonnant que la candidature pour la Coupe du Monde 2022 ait généré des soupçons de corruption.
L’instance dirigeante du football a par exemple prononcé le mois dernier à l’encontre du Nigérian Amos Adamu, membre du comité exécutif accusé de corruption par le Sunday Times (il aurait réclamé 570.000 euros pour son vote), une « interdiction d’exercice de toute activité relative au football au niveau national et international pour une durée de trois ans » et une amende de 10.000 francs suisses (7.440 euros). De même son collègue le Tahitien Reynald Temarii a écopé d’une interdiction d’activité d’un an et a été condamné à une amende 5.000 francs suisses (3.720 euros). Pour finir quatre autres membres ont été condamnés à des suspensions de leurs activités et à des amendes. Tous sont accusés par la fédération d’avoir « enfreint plusieurs articles du code d’éthique de la Fifa » (source AFP)
Concernant les soupçons de collusion entre les candidatures du Qatar et celle conjointe de l’Espagne et du Portugal, dans le cadre de l’attribution de ces Mondiaux-2018 et 2022, la fédération a estimé qu’elle ne disposait pas « d’élément suffisant« . Évidemment.
C’est comme ça que ça marche à la FIFA : il n’y a pas d’enquête rendue publique, et du jour au lendemain certains « fusibles » sautent (en étant donné en pâture à la presse curieuse), pour permettre à la grande machine du football de se remettre en marche sans qu’elle ne s’interroge davantage sur son fonctionnement malsain…
Un geste géopolitique ?
De nombreuses réactions sur le Net interviennent en expliquant que donner l’organisation de la Coupe du Monde 2022 au Qatar serait envoyer un message fort envers le monde musulman (c’est le cas par exemple de Rue89 – même si l’article semble avoir été retiré depuis). Cela pose tout de même plusieurs questions :
- On sait bien que les JO comme les Coupes du monde ont toujours eu un fort lien avec la géopolitique du moment, mais que vont penser les autres pays candidats ? Si les Etats-Unis et le couple Corée du Sud / Japon, ont déjà organisé l’évènement dans le passé, ce n’est pas le cas de la Russie ou même de l’Australie, alors même que l’Océanie est le seul continent à n’avoir jamais accueilli la compétition.
- Le Qatar est-il le pays du monde musulman le mieux placé pour ce « message fort » ? N’est-ce pas justement confier la Coupe du monde au pays Arabe le plus occidentalisé (et le plus « capitalisé ») ? Quel message fait-on réellement passer aux musulmans du monde ? C’était déjà un peu le problème à retenir l’Afrique du Sud pour « envoyer un message au continent Africain ». En 2010 la Coupe du Monde n’avait d’africain que le nom….
- Enfin, s’il est choisi pour accueillir le Mondial-2022, le Qatar promet de déroger à son application de la loi islamique en instaurant des zones où l’alcool sera autorisé. Il ne faudrait surtout pas que les nombreux (et généreux) sponsors alcooliers de la FIFA ne soient pas de la fête ! Quelle authentique preuve de respect de la culture musulmane !
L’impact social de l’évènement, d’ordinaire si cher aux politiques et à la FIFA, promet d’être aussi plutôt limité au Qatar. L’économiste du sport Frédéric Bolotny, cité par la Croix expliquait ainsi que :
« Le Qatar se sert du sport pour avoir une visibilité mondiale, mais l’utilité sociale d’une Coupe du monde en un tel lieu est contestable. À la différence de la Russie [qui est aussi candidate], où les stades serviront à leurs clubs de football. »
Pour conclure on rappellera que Londres a gagné les JO de 2012 grâce à une intervention de dernière minute de Tony Blair, qui a rencontré les membres du CIO un par un dans leur loge quelques instants avant le vote ; et que la France a obtenu cette année l’Euro 2016 d’une seule voix de plus que la Turquie dans des circonstances un peu troubles… C’est à croire que l’obtention de l’organisation des grandes compétitions sportives est encore plus dur que de les gagner.
Dans tous les cas : réponse demain !
Plus d’info :
- Tout le Sport du 29/11/2010 (France 3)
- Le site officiel de la candidature qatari : http://www.qatar2022bid.com/
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