Nous avions abordé les difficultés rencontrées au sein du collège l’an dernier à travers l’interview de Ludovic professeur en stage. Cette année, à la manière du pacte écologique de Nicolas Hulot en 2007, l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville), lance son « pacte contre l’échec scolaire » afin de sensibiliser les candidats à la présidentielle à l’urgence de venir au secours de l’école en France. Pandora Vox se fait écho de leur campagne que l’on peut aussi suivre sur Facebook.
1/ Faire du problème scolaire une priorité pour la présidentielle
Christophe Paris, Directeur général de l’Afev, a lancé la campagne de son association contre l’échec scolaire en publiant une lettre ouverte aux candidats à la présidentielle afin de les sensibiliser sur l’ampleur du problème.
Il interpelle le futur président de la République sur le fait que la France n’a pas une école à la hauteur de son rang: « Cinquième puissance mondiale, la France connaît pourtant un échec scolaire massif, dont la sortie de 150 000 jeunes sans diplôme par an constitue l’un des premiers symptômes […] En France, notre système scolaire se caractérise, par deux éléments: une forte inégalité sociale face à la réussite scolaire, et un mal‐être prégnant chez les élèves. » La situation s’est malheureusement fortement dégradée ces dernières années: « L’école française était l’une des fiertés les plus ancrées de la République : elle en devient son doute le plus fort ; 64 % des Français pensent ainsi que l’enseignement fonctionne mal aujourd’hui« .
M. Paris expose au futur chef de l’état les différentes perspectives qui s’offrent à la France face à un tel problème: « Soit nous poursuivons la logique d’un système encore trop orienté vers la «sélection» soit, comme beaucoup de pays européens performants en matière d’éducation, nous poursuivons notre évolution vers un modèle de « promotion » où chaque enfant, quelles que soient ses capacités et ses appétences, peut sortir de l’école avec un diplôme et les compétences qui y sont liées, un rapport confiant aux apprentissages et une image positive de soi.«
Il explique combien l’Afev plaide « pour que soit réaffirmée ces prochaines semaines notre détermination commune à élever et à démocratiser le niveau global de formation en France« , tout en demandant au futur Président de la République de prendre dès à présent des engagements auipès des Français: « Nous attendons du prochain Président de la République qu’il convoque dès les premières semaines de sa mandature une conférence nationale exceptionnelle« .
2/ Un constat accablant
Dans la foulée du courrier aux candidats des représentants de l’Afev sillonnent les médias afin de faire du sujet un incontournable de la présidentielle. On par exemple vu Eunice Mangado-Lunetta, directrice déléguée, sur le plateau de « Le monde en face » sur France 5 mardi 10 Janvier, pour participer au débat suivant la diffusion du documentaire «L’École à bout de souffle».
Les chiffres collectés par l’Afev dans son « Pacte contre l’échec scolaire« , ou présentés sur les plateaux de télévision, viennent froidement faire état d’une situation catastrophique. Pour les lecteurs qui auraient des doutes sur le niveau d’urgence de la nécessité de venir au secours du système scolaire Français voici une petite sélection:
- 9 % des adultes scolarisés en France sont en situation d‘illettrisme (source: ANLCI)
- La France se classe 18e sur 65 au classement PISA 2009 (Programme for International Student Assessment). La part d’élèves en grande difficulté est passée de 15 à 20 % entre 2000 et 2009.
- 5 fois moins d’enfants d’ouvriers que de cadres ont un niveau bac + 4 (source: Observatoire des inégalités)
- 30 % des enfants partent à l’école en étant angoissés (source: Baromètre Afev /Trajectoires du rapport à l’école des enfants de quartiers populaires)
- Un taux de chômage des jeunes de 18 % en France (23e sur 30 des pays de l’OCDE)
- La France est classée 22e sur 25 pays de l’OCDE concernant le bien être à l’école (source: OCDE, « Assurer le bien-être des enfants », 2009)
3/ Trois priorités pour l’enseignement
Enfin, c’est forte de ces constats et de son expérience de plus de 20 ans dans les quartiers populaires, auprès des enfants et de jeunes en difficulté dans leur parcours que l’association propose dans son « pacte » trois priorités d’action pour enrayer l’échec scolaire en 2012.
1. En finir avec l’amalgame effort et souffrance: l’acte d’apprendre nécessite des efforts répétés et soutenus. Or notre système a pour particularité de placer un nombre très important d’enfants en situation de souffrance, incompatible avec les exigences de l’apprentissage. Dévalorisation de soi, intériorisation de l’échec, violences des rapports avec les autres…
Cette souffrance est un fléau qui impacte bien souvent l’ensemble de leur parcours. Il faut prendre conscience de cette réalité sans la confondre avec un manque d’effort ou de ténacité. Le bien-être et la sérénité des élèves sont indispensables aux exigences de la performance scolaire.
- Ainsi le remplacement de la notation à l’école élémentaire par une évaluation fondée sur les compétences de l’enfant doit être un premier signe d’évolution.
- L’observation du climat scolaire dans les établissements constituerait également un levier pour améliorer le bien-être des enfants.
- Il faudrait intégrer le travail personnel au temps scolaire afin de ne plus laisser les plus fragiles seuls face à leurs devoirs. Dès lors, un accompagnement individualisé hors temps scolaire, mené par les associations d’éducation populaire, pourrait être proposé aux élèves en fragilité, pour leur redonner goût à l’école, leur faire retrouver confiance en eux et leur offrir une ouverture culturelle. Mené en lien avec les familles, il aiderait aussi des parents souvent très angoissés à se sentir plus légitimes pour suivre la scolarité de leurs enfants.
2. Réinventer le collège unique : difficultés d’enseigner, tensions entre élèves, multiplication des processus de décrochage scolaire : le collège cristallise les difficultés du système éducatif français. Initialement pensé comme un « petit lycée », il n’a pas réussi, sur cette base, le pari de la massification menée dans les années 70.
Le collège doit être repensé comme le prolongement de l’école primaire afin que chaque élève en sorte avec les compétences scolaires et culturelles nécessaires pour son futur parcours. Pour cela, à l’entrée, les enseignements pourraient être organisés en grands blocs de matières pour devenir progressivement plus spécialisés, et le travail en groupes réduits gagnerait à être systématisé.3. Pour une orientation choisie en filière professionnelle: l’enseignement professionnel accueille un tiers des lycéens français. Mais souvent vécue comme une injustice – l’élimination d’une trajectoire scolaire idéale –, l’orientation en « pro » a trop longtemps été envisagée comme une option par défaut réservée aux élèves « non qualifiés » pour les filières d’enseignement général.
C’est la raison pour laquelle la majorité des sorties sans diplôme se compte dans la voie professionnelle.
C’est un plan global qui doit être lancé. Il faut améliorer les conditions d’accueil, élargir l’offre de filières, moderniser le matériel mis à disposition, renforcer le lien avec le monde professionnel, accompagner les bacheliers professionnels vers la poursuite d’études… Pour financer un tel plan, on pourrait s’appuyer sur la refonte de la taxe d’apprentissage.
Si vous aussi vous soutenez le Pacte contre l’Échec scolaire de l’Afev et que vous estimez que ce sujet devrait être au cœur de la présidentielle, rejoignez Stéphane Hessel, Axel Kahn, Abd Al Malik, Harry Roselmack, Marcel Rufo, Pandora Vox… et les autres et signez le pacte en ligne.