Interrogé par Presse Océan sur le sens des manifestations contre les retraites au mois d’Octobre, l’ancien footballeur Éric Cantona, se propose de « donner des idées aux syndicats« , en allant tous retirer notre argent des banques un même jour. Son idée a été repris par des militants Belges qui ont fixé la date de l’opération au 7 Décembre 2010.
Provoquer une panique bancaire
Comme l’explique Cantona, en allant tous retirer notre argent des banques le même jour, cela provoquera une panique bancaire (ou « bank run » en Anglais). Le genre d’évènement qui s’est déjà produit en 1929, sauf que cette fois cela sera fait volontairement. Si l’on parvient à mettre les banques en difficulté « alors là [ils vont] nous écouter autrement » espère celui que les supporters avaient surnommé le « King ».
Juan Torres Lopez, économiste membre du conseil scientifique d’ATTAC Espagne, interrogé par Mediapart au sujet de l’initiative de Cantona, rappelle que les banques ne sont légalement obligées de conserver en trésorerie que 2% des sommes qui leurs sont confiées (sommes appelées « réserve fractionnée »). Le reste étant utilisé pour donner des crédits. C’est le principe même d’une banque : prêter l’argent qu’on lui confie à un taux d’intérêt supérieur pour dégager du bénéfice. Si l’on réclame, dans un laps de temps suffisamment court, plus de 2% des sommes déposées dans les banques, celles-ci vont donc se retrouver en grande difficulté pour honorer leur obligation de remboursement. C’est le but de l’opération BankRun 2010, comme le décrit le site officiel : http://www.bankrun2010.com
L’idée de Canto fait le buzz
Petit à petit les images de l’interview de Cantona se sont échangées sur le Web, au point que de nombreux médias se fassent échos de son initiatives. Aujourd’hui à quelques jours de la date fatidique, de nombreuses personnalités ont réagi à son idée.
Un groupe Facebook est ainsi créé pour fédérer les gens qui répondant à l’appel (il compte aujourd’hui plus de 30 000 inscrits).
Baudouin Prot, patron de la BNP a réagit au nom des banques rappelant que « les banques françaises n’ont aucunement contribué aux origines de la crise et que les aides publiques n’ont rien coûté aux contribuables » et décernant un véritable « carton jaune » à Cantona (source La Tribune).
La ministre de l’Économie Christine Lagarde a quant à elle appelé Cantona à limiter son champs d’intervention au football (source JDD). Si elle explique qu’il n’y a aucun risque, elle a tout de même éprouvé le besoin de s’exprimer sur le sujet… On peut donc légitimement douter de sa sérénité.
Cécile Duflot, d’Europe Écologie a déclaré mercredi sur Public Sénat qu’Éric Cantona, mettait « les pieds dans le plat sur un sujet qui est un sujet réel« .
De son coté le site d’information Rue89 note la difficulté de réalisation du projet : « il ne suffit pas de se présenter au guichet de sa banque pour récupérer sur le champ toutes ses économies. Chaque établissement fixe en effet un plafond aux retraits d’espèces. Il faut souvent prévenir avant. » Le BankRun 2010 nécessitera donc un peu d’anticipation.
Mettre les banques en difficulté, mais après ?
Sur Mediapart, Juan Torres Lopez regrette que l’initiative de Cantona ne s’accompagne pas de propositions. Par quoi remplacer ces banques qui alimentent autant la crise du système ? Il propose de revenir à des organismes bancaires de type mutualiste sur le mode coopératif :
« Je pense évidemment qu’il doit y avoir des banques de dimensions importantes et internationales parce qu’aujourd’hui il est nécessaire de financer des projets de développement de grande envergure. Mais elles ne peuvent être ni privées (parce qu’elles chercheraient logiquement uniquement leur propre profit) ni contrôlées de manière aussi antidémocratique que l’est par exemple aujourd’hui la Banque Mondiale. » (source complète sur le site de Mediapart)
Il est claire que l’activité dérèglementée et irresponsable des établissements bancaires (avec pour seul objectif la recherche du gain immédiat) est aujourd’hui toxique à l’économie. Si l’on met en perspectives les grandes étapes de la crise que traverse aujourd’hui l’économie mondiale, on constate que les milieux bancaires et financiers sont intervenus à chaque étape :
- Crise des subprimes (2008) : dans la foulée de la bulle immobilière, et en dépit des règlementations les banques proposent des crédits à des gens qui ne sont pas réellement en mesure de les payer. Grâce à la dérèglementation en faveur de la titrisation des créances, les établissements financiers spéculent alors sans vergogne sur ces titres toxiques (les fameux subprimes). Après avoir dégagés des bénéfices historiques pendant plusieurs années, les banques se retrouvent alors toutes en très grande difficulté lorsque la bulle immobilière explose. Les gouvernements n’ont alors plus d’autre choix que de les renflouer pour enrayer la fuite en avant vers la crise.
- Crise des dettes publiques (2010) : grâce à l’aide gouvernementale les banques ont retrouvé leur rentabilité d’avant-crise, au contraire des états qui se retrouvent très endettés. Avec la complicité des agences de notation, les établissements financiers spéculent à la baisse sur les dettes publiques, mettant les états les plus faibles à genoux. Les gouvernements sont alors obligés de faire des plans de rigueurs historiques : baisse des salaires minimum, gèle des projets les plus couteux, privatisation, réduction du nombre de fonctionnaire, réduction des prestation sociale.. etc. Ceci a pour effet de calmer les marchés à court terme, mais c’est la meilleure garantie pour prolonger la récession.
Il est donc temps, comme l’explique l’économiste d’ATTAC, de règlementer le système et de proposer de nouveaux établissement de crédit qui suivent l’intérêt général, au lieu de générer des crises redondantes.
Quoiqu’il en soit, l’envergure du buzz sur l’idée de Cantona montre à quel point le système bancaire est responsable de la crise aux yeux des citoyens. Éric Cantona a au moins le mérite d’avoir mis le doigt sur l’une des préoccupation majeure des Français , qui ne sont pas dupes des manipulations récentes des milieux financiers et bancaires.
5 réponses à Répondrez-vous à l’appel de Cantona ?