On l’appelle Accord de Libre-Echange Transatlantique (ALET) ou Partenariat Transatlantique pour le Commerce et l’Investissement (PTCI) et les anglophones TAFTA pour Transatlantic Free Trade Agreement ou encore TTIP pour Transatlantic Trade and Investment Partnership… une multitudes d’acronymes qui entretiennent le flou sur un projet qui a été pensé dans l’ombre. Seulement maintenant que la commission Juncker a été désignée, la vitesse supérieure va pouvoir être enclenchée pour les négociations avec les Américains. Des tractations au cœur desquelles nous trouverons Pierre Moscovici, nouveau commissaire aux affaires économiques et droits de douanes, et grand défenseur du projet TAFTA. Est-ce que ce sera l’occasion d’un peu plus de transparence envers les citoyens Européens, comme l’ancien ministre de l’économie en faisait le vœux (pieux ?) lundi sur France Inter ? Rien n’est moins sûr tant ce projet cache – depuis le départ – ses véritables objectifs.
La suite de ce dossier sur le TAFTA sera publiée la semaine prochaine, en questionnant notamment les intérêts Américains.
1/ Le contenu de projet d’accord
Qu’-y-a-t-il dans cette accord ? Quel mandat de négociations ont les représentants de l’Europe de la Commission Européenne ? On l’aura compris, la transparence c’est une partie du problème. Le détails des tractations n’est pas public et plus grave encore les objectifs restent très flous.
A notre disposition pour en juger nous avons le mandat de négociation adoptés par les ministres au mois de Juin (non sans de multiples aller-retour quant aux différentes versions de ce mandat). On y trouve par exemple:
« L’accord devrait prévoir la libéralisation progressive et réciproque du commerce et de l’investissement en biens et services ainsi que des règles sur les questions liées au commerce et à l’investissement avec un accent particulier sur l’élimination des obstacles réglementaires inutiles.
L’accord sera très ambitieux, allant au-delà des engagements actuels de l’OMC. »
Ou bien encore:
« L’accord devrait inclure des dispositions sur la politique de concurrence, y compris les dispositions relatives aux lois antitrust, les fusions et les subventions. En outre, l’accord doit traiter les monopoles d’État, les entreprises publiques et entreprises bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs. »
L’accord vise ainsi à « améliorer l’accès mutuel aux marchés publics à tous les niveaux administratifs (national, régional et local) et dans les domaines des services publics »
Ce mandat de négociation fait craindre aux ONG une dénaturation progressive de l’ensemble des politiques publiques de protection des citoyens, que ce soit (pour ne citer qu’eux) dans le domaine des données privées, sur les OGM ou sur les gaz de schistes.
Comme le détaille Dominique Plihon pour Marianne, dans le domaine de la propriété intellectuelle, les enjeux sont par exemple considérables. « Le renforcement de la lutte contre la contrefaçon et de la protection des droits conférés aux multinationales par la détention de licences et de brevets (dont la Commission est une fervente avocate) menace l’accès des citoyens à un internet libre, mais aussi à des médicaments génériques bon marché.«
Une dénaturation progressive de l’ensemble des politiques publiques de protection des citoyens
D. Plihon s’interroge aussi sur les « États membres et les citoyens qui refusent l’extraction de ressources présentes sur leurs territoires – en particulier le pétrole et le gaz de schiste« . « Pourront-ils résister aux multinationales du secteur énergétique et aux pouvoirs publics états-uniens qui considèrent ces ressources comme la garantie de l’autonomie énergétique et de la compétitivité ?«
2/ La possibilité de porter plainte contre les états
Un autre volet du projet de traité qui inquiète – et qui est pour ainsi dire au cœur de TAFTA – c’est l’institution de clauses et de procédures d’arbitrage, dites « investisseur-État », permettant aux firmes de porter plainte contre les États et les collectivités territoriales qui auraient mis en place des réglementations considérées contraires à leurs intérêts.
Permettre aux firmes de porter plainte contre les États et les collectivités territoriales qui auraient mis en place des réglementations considérées contraires à leurs intérêts
Pour José Bové ce dispositif est l’objectif majeur des multinationales dans cet accord. Il constitue une atteinte sans précédent aux pouvoir législatif:
« Ce n’est pas un accord de libre-échange que les multinationales veulent, mais la possibilité de pouvoir attaquer des lois prises par les États qui réduiraient leur profitabilité. Avec la mise en place d’un accord de ce type, les gouvernements et les assemblées se lient elles-mêmes les mains dans le dos.
Avec la mise en place d’un accord de ce type, c’est la loi sur la fracturation hydraulique qui sera attaquée et les moratoires sur les OGM qui seront traînés en justice devant un tribunal international hébergé par la Banque Mondiale. »
3/ L’arnaque de l’exception culturelle
Abandonner l’exception culturelle serait « une opération à cœur ouvert de l’Europe sans anesthésie » a déclaré Bérénice Bejo le 11 Juin devant le Parlement Européen, lisant un texte de Wim Wenders.
Quelles concessions coûteuses sur d’autres dossiers la France a dû faire pour pouvoir poser son veto pour l’exception culturelle ?
En attendant les ONG et militants de longues dates contre le TAFTA espèrent que les artistes mobilisés resteront à bord, une fois l’exception culturelle gagnée, car selon eux c’est la logique même de cet accord de libre-échange UE-USA qu’il faut combattre.
La suite de ce dossier sur le TAFTA sera publiée la semaine prochaine, en questionnant notamment les intérêts Américains.
Sources et compléments :
- Les Économistes Atterrés, « A qui profitera l’accord de libre échange transatlantique«
- RFI, Carrefour de l’Europe (audio), débat avec Giuliani de fondation Robert Schuman et Benjamin Coriat, professeur d’Economie à l’Université Paris 13. membre des économistes atterrés
- Jean Gadrey sur « Presse toi à Gauche », L’accord de « libre dumping » UE-USA: un AMI pire que le vrai
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