TRIBUNE LIBRE: Benjamin a la petite trentaine. Grand amateur de football depuis son adolescence, il s’est toujours intéressé à son sport au sens large et n’a pas non plus la langue dans sa poche. Il nous parle aujourd’hui de la situation actuelle du championnat de France de Ligue 1, que le PSG tente de dominer à grands coups de millions venus du Qatar.
Le Qatar et les médias ont réussi à liguer la France entière contre le PSG
Au soir de la 19ième journée – soit à la mi-championnat – le Paris Saint-Germain est en tête du championnat de France de football. Et on a envie de dire: comme prévu ! L’ogre Parisien qui a dépensé cet été les millions par dizaines, a pris sans surprise la place qui lui revient en toute logique. Le plus surprenant est finalement que l’équipe de la capitale ne doive sa première place qu’à la différence de buts devant un Olympique Lyonnais et un Olympique de Marseille qui ont glané autant de points que le PSG. Les deux olympiques, en proie a quelques difficultés financières, qui ont dû faire une cure d’austérité en se séparant de leurs plus gros salaires, se défendent au final mieux que prévu. Le championnat ne parait donc pas joué d’avance et la deuxième partie de saison promet de ne pas être une partie de plaisir pour les Parisiens.
Il est impressionnant de constater à quel point la France entière s’est « liguée » contre le PSG. En dehors des seuls Parisiens, les supporters des autres clubs voit le PSG comme le plus antipathique de leurs adversaire. Le maitre-mot de Marseille à Lille, de Lyon à Bordeaux, est maintenant: « tout sauf Paris ». Cette antipathie pour la capitale n’est certes pas nouvelle, et le PSG a de tout temps fait figure d' »équipe à abattre » (notamment dans les années 90…) mais cela atteint maintenant des sommets ces derniers temps. On se rappelle des déclarations polémiques de Louis Nicollin qui avait déclaré préférer « perdre contre Lens parce que c’est des potes, que contre le PSG qu’il ne peut pas voir » en mars 2011. Avec le langage fleuri qu’on lui connait, le président de Montpellier, n’a jamais que dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas.
Avec l’arrivée de Qatariens et de leurs millions, l’anti-Parisianisme a pris un virage supplémentaire. Prenons par exemple la situation de l’an dernier dans la course au titre entre le Montpellier Hérault et le PSG. Cette équipe de Montpellier a objectivement tout pour paraitre antipathique à l’amateur de football: un président homophobe et habitué des déclarations à l’emporte pièce, un entraineur dans le même registre vulgaire se permettant même des doigts d’honneur aux adversaires, des joueurs ouvertement violents que le public déteste (comme Cyril Jeunechamp, suspendu 1 an depuis pour avoir frappé un journaliste de L’Équipe), un jeu pas particulièrement séduisant essentiellement attentiste… etc Et bien malgré tout, la France du foot avait sans conteste pris parti pour Montpellier ! Et vous pouvez être sûr que le public prendra le parti de Lyon ou de Marseille si l’un de ces deux clubs est en mesure priver les parisiens du titre de champion. Tant le PSG a réussit à fédérer tout le monde contre lui.
Critiquer la démarche des Qatariens sur le fond est devenu politiquement incorrect
Alors pourquoi tant de haine ? Une petite dose de provincialisme, mais surtout une bonne dose de plaisir à voir tomber le « gros », le riche, l’illégitime. Les Français ont toujours aimé soutenir David contre Goliath. De Poulidor aux Verts de Saint-Étienne, le public de France – et c’est sans doute une spécificité de notre pays – a souvent préféré les seconds aux vainqueurs, pourvu qu’ils aient du panache, du charisme et de la popularité (au sens propre du mot). Et il est claire qu’en dépensant plus que tous les autres clubs professionnels Français réunis (et encore c’est sans compter la récente arrivée de Lucas Moura), le PSG ne correspond à aucun de ces critères. Il fait figure de nouveau-riche, pourri gâté, qui ne se bat pas avec les mêmes armes que les autres. Dans un pays qui n’arrive pas à achever sa décentralisation, il représente aussi le pouvoir central (n’est-ce pas d’ailleurs Sarkozy qui est allé chercher le cheikh Nasser Al-Khelaïfi ?). Le Français, bravache devant l’Éternel, préfèrera donc toujours un Montpellier avec une équipe de guerriers solidaires qui « mouillent le maillot », à un Paris en or pur composé de « têtes à claques » capricieuses et individualistes.
Je suis d’ailleurs surpris de constater que même mes amis supporters Parisiens ne savent pas trop quoi penser que ce nouveau PSG… Ils n’ont pas bien digéré l’an dernier le licenciement de l’entraineur Antoine Kombouaré – un historique du club – qui avait patiemment monté une équipe bien plus à leur image (qui était d’ailleurs en tête du championnat au moment de son départ, une belle pique à Carlo Ancelotti qui a terminé deuxième), mais qui ne correspondait sans doute pas au PSG « new look » que Leonardo (directeur sportif du PSG) et les Qatariens avaient en tête.
Les médias jouent aussi un rôle important dans l’image que se font les gens d’un club. Et là, force est de constater qu’on frise la vénération béate. Beaucoup trop contents de voir arriver des stars mondiales dans le championnat de France, journaux et télévisions spécialisés sont en perte totale d’objectivité envers ce nouveau PSG. Un exemple parmi tant d’autre: le 16 décembre Zlatan Ibrahimovic (LA mégastar de Paris) peut marcher sur le visage du défenseur Lyonnais Dejan Lovren sans s’en s’excuser, les commentateurs de Canal Plus enchainent en direct : « Quel joueur ce Zlatan ! Il ne lâche rien… ». Dejan sortira du terrain le visage en sang…
Mais au delà de l’aspect purement « commentaire de résultats sportifs », ce qu’il y a de choquant c’est qu’aucun média, aucun responsable de la Ligue ou de la Fédération ou ni même aucun politique, n’abordent les questions de fond sur le nouveau PSG version Qatarien. Est-il légitime et équitable qu’une équipe monopolise à ce point toutes les ressources dans un championnat ? Est-ce le but du sport de haut niveau que de créer de tels déséquilibres ? Quel l’intérêt à long terme pour le football Français ? Quel est le véritable objectif des Qatariens ? Quand on connait le levier de communication que peut constituer le football et les sommes en jeu, il me semble que cela devrait être une question majeure… Les gens ne sont pas stupides. Ils ont vite compris que critiquer le PSG ou les qatariens sur le fond de leur démarche est devenu « politiquement incorrect ». Il est tellement plus facile de s’extasier devant les stats de Zlatan ou de se réjouir à l’envie sur les millions investis dans notre pays, que de creuser un peu le sujet… On risquerait de passer pour un trouble-fête. On dirait que tout le monde s’est passé le mot pour louer l’arrivée des Qatariens dans notre championnat. De la Ligue Nationale aux présidents des autre clubs, en passant par les politiques et les éditos de l’Équipe il n’y a personne pour retrouver rien à redire sur l’injection d’argent frais à grand coup de millions dans le PSG…
Quel est l’objectif du Qatar ?
Pourquoi « investir » des millions par centaines dans le PSG ? Ont-ils une chance de les récupérer un jour ? Pourquoi créer une filiale d’Al Jazeera (la chaîne « Be In Sport ») et la doter des principaux droits de rediffusion du foot en France ? Quel est le sens de la démarche des Qatariens ? S’ils cherchent à faire main basse sur le foot Français pour des raisons géopolitiques, nous aimerions bien connaître les tenants et aboutissants d’un tel projet. C’est quelque chose qu’il faudrait vraiment creuser. Car cela fait manifestement partie d’un plan d’ensemble… Avec l’organisation de la Coupe du Monde, le sponsoring du maillot du Barça etc… Il s’agit d’utiliser le foot comme un formidable vecteur de communication et d’influence pour peser sur le plan diplomatique, géopolitique et de l’image. Cette démarche n’est pas philanthropique, ou bien de pur divertissement pour les princes du Qatar « ne sachant pas pas trop quoi faire de leur argent, » comme on le sous-entend régulièrement. Il s’agit à n’en point douter d’une démarche mûrement réfléchie, avec une visée à long terme.
Mais tout ne se passe pas comme prévu pour Leonardo et ses employeurs. Malgré tout l’argent investi, le PSG n’a rien gagné l’an dernier. Et cette année après avoir été sorti piteusement de la Coupe de la Ligue par Saint-Étienne, il peine à garder la tête en championnat. Et c’est ce qui fait tout le charme de ce sport. Rien n’est simple avec le football ! Il ne se laisse pas si facilement acheter… Et on a envie de dire heureusement ! Alors s’il y a un vœu sportif à faire pour 2013, c’est que le PSG ne soit pas champion. Pour préserver une nouvelle fois « la glorieuse incertitude du sport » et déjouer tous les pronostics.
Mais si le PSG rate une nouvelle fois le titre cette année, politiquement et diplomatiquement la position risque d’être assez difficilement tenable pour certains responsables à la Ligue de Football ou au Quai d’Orsay… Dans ces conditions arbitrer le PSG va commencer à être très difficile. Et d’une certaine façon c’est sans doute déjà le cas…
10 réponses à 06/01/2013 – « Mon voeu pour 2013 ? Que le PSG ne soit pas champion ! »