Ces derniers jours on a longuement débattu de la démonstration des militants de Greenpeace parvenant à pénétrer au cœur de plusieurs centrales nucléaires. Malheureusement l’information la plus terrifiante de la semaine concernant la sécurité de nos centres atomiques n’est peut être pas là. Quelques jours auparavant, des parlementaires ont mené une inspection surprise pour tester les procédures d’urgence dans deux centrales du pays (NDLR: opération « Opéra »). L’alerte fictive donna lieu à un enchainement de « situations burlesques » qui révèle des défaillances qui font froid dans le dos. Mais rassurez-vous ce n’était qu’un exercice !
Ci-dessous une reproduction de l’article de Marianne 2 sur le compte-rendu de ces inspections.
« Il arrive que les parlementaires les plus sérieux se révèlent de sacrés farceurs. Prenez les députés et sénateurs de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) : ils n’ont rien trouvé de mieux à faire que d’organiser, dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre, deux exercices d’alerte dans deux centrales nucléaires à la centrale de Paluel et dans celle du Blayais en Gironde. Et sans prévenir en plus. Une première bienvenue de la part des élus de la Nation, à l’ère post-Fukushima. Le récit de l’ « opération opéra » par le député UMP Claude Birraux, (président de l’Opesct) et le sénateur UMP Bruno Sido (vice-président) est pour le moins édifiant.
Claude Birraux se présente à la centrale de Paluel (Seine-Maritime) vers 19 heures, en compagnie des responsables de l’autorité de « sûreté nucléaire ». Le directeur est sommé d’effectuer la simulation d’un incident majeur : la perte totale d’alimentation électrique du réacteur. Manque de chance, c’est le jour où le groupe électrogène alimenté au diesel est indisponible.
En fait il faudra attendre 21h50 pour que l’exercice débute. Tout se déroule pour le mieux au départ. Les équipes supplémentaires arrivent sur le site en 25 minutes chrono. Puis elles trouvent, dans les documents de procédure d’EDF, une solution : puisque les diesels ne fonctionnent plus, ils faut alimenter en électricité le réacteur 1 en panne, grâce au réacteur 2 toujours en production. Une solution qualifiée d’ « exotique » par la nomenclature de l’exploitant.
Mais au moment de passer aux actes, vers 23h30, catastrophe : la clé indispensable pour accéder au panneau d’alimentation électrique du réacteur électrique se révèle « en commande », donc indisponible.
A minuit, Claude Birraux raconte : « nous suivons l’équipe EDF sur le terrain. Nous arrivons dans un local électrique, mais les indications du document de procédure ne correspondent pas au panneau électrique du local. Il y a un doute : les clés sur le panneau sont-elles mal étiquetées, ou bien sommes-nous dans le mauvais local ? Le local non plus n’est pas numéroté, ce qui est relevé par l’ASN. Après plusieurs allers et retours, entre la tranche numéro 1 et la tranche numéro 2, l’énigme est résolue : toutes les premières instructions du document de procédure semblent en réalité inexactes. »
On passe donc dans la tranche 3, où la signalétique semble mieux respectée… Mais à une heure du matin, « à nouveau le document EDF comporte des inexactitudes qui ne facilitent pas la tâche de l’équipe (…) A nouveau les personnels sont obligés de barrer plusieurs lignes du document. »
A 1h30, « Nous mettons fin à l’exercice ». Ouf ! Conclusion : heureusement, « le personnel a su se poser les bonnes questions et n’est jamais resté bloqué dans des situations parfois burlesques ». Et heureusement aussi qu’il s’agissait d’un exercice théorique. La tranche 1 de Paluel n’a pas été mise à l’arrêt et donc les personnels ont travaillé avec de la lumière, comme en plein jour. « Imaginez la situation plongée dans le noir, obligé de travailler avec une lampe de poche dans une main, et les documents dans l’autre… », rappelle Claude Birraux. En situation réelle, le réacteur aurait vécu en situation critique pendant au moins de 3h30, refroidi à minima par l’ultime système de secours : des ailettes qui tournent avec la vapeur du réacteur, et permettent de le refroidir avec un filet d’eau…
« Impression mitigée »
Au même moment, la centrale du Blayais en Gironde a mieux résisté à l’intrusion de l’Opecst. Il s’agissait de simuler une grosse tempête qui menace les sous-sols des réacteurs d’inondation, ce qui s’était produit en décembre 1999. Le sénateur Bruno Sido a constaté que depuis lors les digues de protection ont été relevées et complétées. Un seul incident relevé : deux capteurs de la hauteur d’eau donnent des indications différentes. Laquelle choisir pour arrêter le pompage de l’eau de refroidissement ? Au bout d’une demi-heure, on s’aperçoit alors que la réponse existe bien, mais pas dans le bon dossier…
La mauvaise surprise, relative, pour les inspecteurs arrive lorsqu’ils accèdent au sous-sol. Bruno Sido en retire une « impression mitigée » : « Nous avons pu voir des fuites non identifiées non traitées, un repérage insuffisant des tuyauteries, dont certaines très corrodées, un plot en béton et des déchets divers traînant au sol… »
« On ne va jamais dans les sous-sols lors des visites habituelles, c’est dommage », commente le sénateur. Claude Birraux s’amuse: « J’avais croisé Henri Proglio, le président d’EDF au Tricastin. Il m’avait dit: si on se voyait à l’occasion? Et bien, on s’est invités chez lui… » L’Opesc l’assure : il y a aura d’autres opérations « Opera » à l’avenir, sans évidemme,t dévoiler ni quand ni où. Puisqu’il s’agit de se mettre à l’heure du post-Fukushima, nous préconisons la simulation simultanée de la perte de l’alimentation électrique et d’une invasion par les eaux, comme au Japon. Cela pourrait se révéler « burlesque », non ? «