Les dimanche 21 Août se sont clôturés les XXVI ième Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ). Près de 2 millions de jeunes du monde entier se sont retrouvés pour célébrer ensemble leur foi à Madrid. Profitant de l’audience que procure ce genre d’évènement, les organisations catholiques les plus conservatrices ont tenté de ramener les participants à leurs idées extrémistes. L’Association pour la Diffusion de la Culture Chrétienne (ADCC) et la Communauté de l’Emmanuel ont par exemple distribué un CD-ROM aux jeunes (traduit en 16 langues) sensé répondre à leurs questions sur la vie et l’amour. Et ça fait froid dans le dos ! Extraits.
1/ Pilule contraceptive : non naturelle, irrespectueuse et dangereuse
En répondant aux questions des jeunes, ADCC et la Communauté de l’Emmanuel présentent la pilule comme un instrument non naturel, irrespectueux de la femme et dangereux :
« Il est vrai […] que la pilule contraceptive a pour objectif par des produits chimiques de bloquer le processus physiologique de la femme pour la rendre infertile. »
Une vision bien entendue réductrice et trompeuse dans la mesure où cette infertilité n’est que temporaire.
« Dans un couple, pour l’homme, aimer vraiment sa femme, ce ne peut être la réduire en permanence, par la pilule, à un état qui n’est qu’une partie d’elle-même. Qui a d’ailleurs des conséquences psychologiques — et parfois médicales. »
La question des conséquences psychologiques et médicales d’une grossesse non désirée n’est bien entendu pas abordée. Enfin, plutôt que la pilule, sans surprise, la méthode de contraception recommandée est l’abstinence durant les périodes de fertilité :
« Et puisque vous ne désirez pas d’enfant tout de suite, vous choisirez de vous unir dans les périodes d’infertilité. Et puis vous serez à l’écoute de vos désirs, de la volonté de Dieu, de l’appel spécifique de votre couple à donner la vie. »
2/ Préservatif : inefficace contre le Sida
Concernant les préservatifs on répand la dangereuse idée que leur distribution n’aurait aucun intérêt pour lutter contre le Sida. Ils n’inciteraient qu’à une sexualité débridée et irresponsable qui ne conduirait fatalement qu’à abandonner le préservatif (selon un raisonnement dont la logique dépasse l’entendement…) :
« La multiplication de la distribution des préservatifs chez les jeunes n’est pas hélas un moyen efficace contre la prolifération du Sida : les études montrent que si l’on multiplie bien les rencontres sexuelles, par contre on se lasse des préservatifs. Au contraire, c’est le développement d’un comportement responsable, d’une éthique de l’amour qui est le meilleur rempart contre la diffusion de la maladie. »
3/ Sexualité : la dignité c’est la chasteté avant le mariage
D’entrée de jeu, on fait peur aux jeunes avec la relation sexuelle avant le mariage, que l’on présente comme potentiellement destructrice :
« Loin de préparer à l’amour-don, les relations sexuelles avant le mariage peuvent au contraire être blessantes pour l’un et pour l’autre. »
S’en suit une glorification de la chasteté, sensé être le seul chemin possible pour la dignité et le respect de l’autre.
« Par ailleurs, ne pas avoir de relations sexuelles avant le mariage fortifie la chasteté. La chasteté, qui manifeste le sens profond que j’ai de ma dignité, est également un respect de l’autre dans sa différence et son droit à être lui-même ; elle est un renoncement à toute idée de pouvoir sur l’autre et l’acceptation de son nécessaire consentement. »
Cette dernière est particulièrement pernicieuse. Elle sous-entend qu’une relation sexuelle avant le mariage se ferait pour exercer un « pouvoir sur l’autre » sans son « nécessaire consentement ». On leur a dit qu’une relation pre-conjugale n’était pas nécessairement un viol ? Enfin on termine la question par une valorisation de la virginité :
« Elle est enfin une réserve pour réaliser la totalité du don : la femme totalement donnée à son mari est chaste. Le jeune homme qui se réserve pour celle à qui il donnera tout, est chaste. La virginité n’est certes plus une valeur très cotée. Elle est pourtant celle que beaucoup voudraient posséder le jour où ils font la découverte du “grand amour”, de “l’amour de leur vie”. »
4/ Homosexualité : non naturelle, généralement non choisie, douloureuse et honteuse
La question de l’homosexualité est d’abord abordée par opposition à l’hétérosexualité. Celle-ci permettant au contraire de la première de se donner à l’autre « dans la différence » tout en permettant de générer la vie :
« Certains prétendent que l’union de deux personnes du même sexe est bonne et que l’homosexualité peut être une alternative à l’hétérosexualité (relations entre un homme et une femme). Ce n’est pas la vérité. La vérité, c’est que Dieu a créé l’homme et la femme différents pour qu’ils puissent se donner l’un à l’autre dans cette différence (y compris dans la différence de leur sexe) et que de cette union puisse jaillir la vie. »
On fait ensuite peur aux jeunes en faisant allusion au pouvoir du lobby homosexuel qui chercherait en permanence à pervertir la société. On cherche enfin à faire croire que si les homosexuels se sentent humiliés, honteux, différents et coupables c’est en raison de leurs pratiques sexuelles (processus de culpabilisation). N’est-ce pas un peu aussi en raison de l’homophobie que justement ce genre de textes contribue à répandre ? Une façon de retourner le problème contre les victimes…
« En dehors de groupes de pression homosexuels qui cherchent par tous les moyens à faire reconnaître une culture et un mode de vie homosexuels, l’homosexualité est en général une situation qu’on n’a pas choisie, mais qu’on subit et vit douloureusement. La honte, et l’humiliation se mêlent à l’inquiétude … on se sent coupable, différent des autres. »
Surtout que plus loin on insiste en traitant implicitement les homosexuels d’adolescents immatures :
« Une homosexualité active de façon habituelle n’a rien à voir avec une tendance passagère au moment de l’adolescence (ce n’est pas rare), liée à l’immaturité affective, au manque de modèle adulte et au nombrilisme propre à cette période de la vie. »
Mais il ne faut pas désespérer, plutôt que d’insister dans la marginalité, il vaut mieux se réfugier auprès de Dieu qui peut aider chacune de ses brebis et retrouver le droit chemin :
« Même lorsque je désespère dans ma marginalité ou que j’essaie de banaliser, de normaliser la situation, Dieu continue de m’appeler plus avant. Il m’invite à me relever pour m’en sortir. »
5/ Masturbation et pornographie : « cela rend incapable d’avoir des relations normales«
Concernant la masturbation, on culpabilise les jeunes qui la pratique sans pour autant donner la raison qui devrait les amener à se sentir coupables :
« Le plaisir physique associé [à la masturbation] conduit très vite à reproduire et multiplier l’acte initial. L’habitude est rapidement créée et c’est ce qui est dangereux car plus on s’y enfonce et plus il est difficile d’en sortir. Difficile mais non impossible. »
Et l’on ressort ensuite l’argument de la finalité (qui est finalement commun à toutes ces questions). Mon organe sexuel n’a pas été conçu pour cela, mais pour donner la vie, donc c’est mal :
« On entend volontiers (c’est de l’intoxication) : se masturber, c’est normal, c’est anodin, c’est même une expérience utile, bonne pour l’équilibre physique et psychique… En fait, on vit tout le contraire. Chaque fois que j’utilise mon corps d’une façon qui ne correspond pas à la finalité pour laquelle il a été créé, je fais quelque chose qui n’est pas bon ni pour ma psychologie ni pour mon âme. Or cet acte, alors même qu’il apporte un plaisir immédiat, rend triste parce qu’il ferme sur soi et isole des autres. »
La sentence finale est tout aussi péremptoire que non justifiée :
« [La pornographie et la masturbation] rendent incapable d’avoir une relation normale avec les femmes ou les hommes »
6/ Euthanasie : un homicide volontaire, un crime
L’euthanasie y est présenté comme un crime :
« L’euthanasie, acte par lequel on provoque volontairement et directement la mort d’un malade (essentiellement par l’injection de doses mortelles de produits divers, souvent associés en un “cocktail”) est un homicide volontaire, un crime. Le médecin, dont la mission est de soulager le plus possible les souffrances de son patient, et qui a fait serment de servir la vie, ne peut en aucun cas, ni sous quelque pression que ce soit, attenter à la vie du malade. »
L’allusion à un « cocktail de mort » est une façon de diaboliser l’acte avec la seule utilisation d’un vocabulaire adapté. Le paragraphe se termine néanmoins de façon plus modérée en dénonçant l’acharnement thérapeutique. La voie à suivre se situant entre les deux. Mais malheureusement aucune indication n’est donnée pour trouver cette « voie du milieu », ce qui fait tout l’intérêt – et la difficulté – de cette question :
« Entre euthanasie et acharnement thérapeutique, il y a effectivement une troisième voie dont les principes ont été définis il y a une quarantaine d’années en Angleterre : il s’agit des soins palliatifs : Cela signifie d’abord, tout faire pour supprimer la douleur physique »
7/Avortement : un acte de mort
Comme l’euthanasie, l’avortement est présenté comme un meurtre :
« Avorter, c’est faire cesser la vie d’un embryon, c’est-à-dire d’un être humain. Bien qu’exécuté par un médecin, c’est un acte de mort. »
Même dans les cas extrêmes, comme le viol, l’avortement ne serait être la solution :
« Être enceinte après un viol ou une relation tout à fait épisodique peut représenter une catastrophe. Mais est-ce une raison pour en causer une autre ? Le meurtre d’un être humain, même au stade embryonnaire, est en soi une catastrophe. »
Bien entendu il n’est pas fait question de la vie de l’enfant non désiré.
8/ Darwinisme : « pourquoi ne pas accepter un Dieu intelligent plutôt qu’un hasard imbécile ?«
Sur l’intemporelle question des origine de l’Homme, l’ADCC et la Communauté de l’Emmanuel commencent par présenter la quête des scientifiques comme vaine et dénuée de sens :
« La paléontologie et diverses sciences peuvent nous proposer des jalons pour une histoire de l’apparition de l’homme dans la vaste fresque de l’évolution. Mais ces sciences laissent sans réponse des questions qui les dépassent : pourquoi l’homme à la fin ? Qui est l’homme ? »
« Imaginant que la réponse à ces questions se trouve chez nos ancêtres, un certain nombre de personnes sont encore terrorisées par l’idée que l’homme descend du singe. Or le singe n’est pas l’ancêtre de l’homme, mais plutôt un très lointain cousin sous-développé. La lignée des hominidés — dont l’homme est issu — et la lignée des singes proviennent toutes deux des primates. Aussi, il faudrait plutôt dire que l’homme descend de l’animal, mais qu’il a bénéficié nettement de plus de vitamines et de phosphore que le dauphin ou le gorille qui ont raté le tournant de l’évolution ! »
Que viennent faire les vitamines et le phosphore ? Cette allusion qui prête à sourire révèle toute l’étendue de leur méconnaissance de la paléontologie, dont ils veulent pourtant nous expliquer le manque de finalité. On termine la question par une dissertation douteuse sur les probabilités en cherchant à nous convaincre que l’apparition de l’Homme nécessite forcément une intervention d’une intelligence supérieure. On ne nous donne malheureusement pas plus d’arguments.
« Parler de “hasard” comme l’ont fait certains savants ne revient-il pas à déifier le hasard ? D’autres savants ont fait remarquer que si le hasard a réussi à faire l’homme en partant du Big Bang, en passant par les étoiles et les premières cellules de la vie, ce hasard-là a dû gagner le gros lot à la loterie des millions de fois ! »
« Alors pourquoi ne pas accepter un Dieu intelligent plutôt qu’un hasard imbécile ? »
Comme énoncé en introduction, ces pensées conservatrices et extrémistes ne sont pas rassurantes. Leur diffusion à grande échelle – en 16 langues – lors d’évènements massifs comme les JMJ ne peut qu’alarmer les progressistes. De nombreux jeunes se rendent à ses évènements mondiaux sans pour autant partager cette vision ultra-conservatrice et rétrograde de la société. On profite seulement des JMJ pour tenter de les influencer.
A l’heure où les organisations catholiques exercent une influence croissante sur nos élus (comme lors de cette lettre signée de 80 députés pour réviser un manuel scolaire un peu trop ouvert sur la théorie des genres), il est important de ne pas négliger ces questions au collège et au lycée, parce que tout le monde se les pose. Enfin, il est nécessaire que d’autres points de vue soient exposés aux jeunes pour qu’ils puissent faire leur choix.
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