France Inter, le rodéo de la chronique matinale

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Gérald Dahan a été débarqué la semaine dernière de France Inter. Cet évènement pourrait passer inaperçu, si ce n’était le quatrième départ d’affilé  pour les humoristes de la chroniques matinale de la radio publique la plus écoutée de France. Cette nouvelle éviction, comme celles de Stéphane Guillon et de Didier Porte en juin, fait peser le lourds soupçons d’intervention politique.

Gérald Dahan face à Michèle Alliot-Marie
Alliot-Marie perplexe durant la chronique de Dahan

Et dire qu’ils devaient faire oublier Porte et Guillon à la rentrée ! Finalement Raphaël Mezrahi et Gérald Dahan n’auront même pas tenu deux mois.

Guillon n’était « pas drôle » et Porte (en plus) « vulgaire »

Nous pouvons situer le commencement de l’histoire des relations tendues entre la radio et ses humoristes du matin au début de l’année. Fin 2009 quelques chroniques assez « gratinées » étrillant des membres du Gouvernement invités par la chaîne avaient fait sortir de ses gonds Philippe Val, rédacteur en chef de France Inter :

« France Inter est une radio qui coûte cher à l’actionnaire, qui n’est pourtant pas très bien traité par la station » (propos rapportés par Le Monde, décembre 2009)

Cette déclaration de son patron avait fait réagir Stéphane Guillon, qui ne l’avait pas raté dans sa chronique du 11 janvier 2010 (vous remarquerez que Guillon évoque – déjà – son licenciement) :

« Je me dis, c’est pas possible, Sarkozy actionnaire de France Inter ? Maltraité par des journalistes et des chroniqueurs surpayés ? Philippe Val, ancien directeur de Charlie Hebdo, n’a pas pu dire ça. Les actionnaires de France Inter, ce sont les auditeurs qui paient la redevance, en aucune façon Nicolas Sarkozy. » (vidéo)

S’en est suivi un long jeu de chassé-croisé entre la Direction et ses humoristes, ou les chroniques des uns donnait lieu aux déclarations incendiaires des autres. On notera notamment les polémiques sur les chroniques de Stéphane Guillon dédiée à Dominique Strauss-Kahn ou à Eric Besson suivit de fausses excuses).

Le 23 Juin 2010 Stéphane Guillon, viré, propose son ultime chronique intitulée : « France Inter en burqa » où il évoque une « liquidation totale des humoriste  » (aujourd’hui, à l’heure du départ de ses remplaçants, croyait-il si bien dire ?). Il décrit son ex-radio comme « une radio de gauche qui licencie comme la pire entreprise de droite« . » et parodie son slogan « France Inter écoutez l’indifférence. » (Voir la vidéo ci-dessous)

De son coté Didier Porte propose le 20 Mai une chronique dans laquelle il se dans la peau d’un Dominique de Villepin victime du syndrome de la Tourette qui invite le président à pratiquer la sodomie (video). Ce qu’il regrettera le 8 Juin sur le plateau d’@rret sur image  évoquant un « dérapage » sur une chronique « qu’il ne considère pas comme sa meilleure » car « elle n’a pas marché du tout« . « Ce n’est pas une chronique politique du tout, je voulais qu’on vois le coté potache » se défend-il. Ces regrets ne changeront rien au fait que Porte est bel et bien licencié par la Direction comme son camarade Guillon.

Son collègue Nicolas Demorand, directeur de la matinale sur Inter à l’époque, dans la Grand Journal de Canal Plus, prenait le parti de sa direction et déclarait « Moi je le dis très franchement : j’ai trouvé que cette chronique n’était pas drôle » oubliant par là même plus de 10 ans de bons et loyaux services. En suivant sa logique jusqu’au bout, on peut se demander si l’on doit licencier tous les humoristes pas drôles. Dans ce cas il n’en resterait peut être pas beaucoup… Et qui est suffisamment malin pour distinguer ce qui est drôle de de ce qui ne l’est pas ? Ce monsieur mesure-t-il la subjectivité de la chose ? Peut-on aussi envisager de virer les politiques ou les journalistes pour manque d’humour ?

Les auditeurs, qui furent très nombreux à protester, regretteront longtemps les mots d’un humoriste engagé, travaillant pour France Inter depuis plus de 10 ans, et dont certaines chroniques étaient restées dans les annales. Notamment lorsqu’il avait pris le parti de Jean-Paul Cluzel – précédent directeur de la radio – ou bien lorsqu’il avait dénoncé la montée de l’ultragauche (sic).

Le 25 Juin, lors de sa dernière chronique, dans une émission enregistrée en public, Didier Porte, mesurait sa popularité :

« Que ceux d’entre vous qui sont fous de joie que Stéphane Guillon et moi même soient viré de France Inter applaudissent… » (silence assourdissant)

« Que ceux qui trouve cela intolérable et injustifié se manifestent » (terrible bronca)

Il a aussi ajouté (voir enregistrement ci-dessous) :

« C’est juste que j’ai dit un gros mot à l’antenne »

« Le vrai commanditaire de notre licenciement, moi je le connais et il nous disait cassez vous pov’ cons« 

Pour Dahan « La vérité n’est plus bonne à dire sur France Inter. »

En revenant sur la cas de Gérald Dahan, voici ce que celui-ci déclarait dans Sud Ouest après avoir appris la nouvelle de son éviction :

« Le fait d’être convoqué 24 heures seulement après ma chronique ne laisse pas beaucoup de place au doute. Pour moi, cela prouve à ceux qui en doutaient encore que les dirigeants de France Inter ont le doigt sur la couture du pantalon et que l’on s’achemine vers une certaine forme d’autoritarisme. Ou tout du moins qu’on est dans un climat de peur des dirigeants politiques dont dépend le service public.« 

Interrogée sur l’aspect politique du départ de Dahan, Laurence Bloch, la directrice adjointe de France Inter, déclare que :

« L’argument politique de Gérald Dahan est un cache-misère de sa médiocrité. »

Dahan, lui, explique plutôt le contraire :

« Dans mon entretien, on m’a reproché soudainement un problème de texte, de fond, de positionnement, de parti pris, de couleur… On a évoqué le fait qu’il y avait deux mondes et qu’il y avait un problème de choix que je ne faisais pas« 

Il précise aussi que l’on voulait l’ « empêcher de communiquer sur le fait que c’était une éviction.« , restant persuadé que c’est la chronique réalisée pour la venue de Michèle Alliot-Marie trois jours avant son départ, qui en était le motif réel. Une chronique qui a rendu la ministre furieuse :

Sophia Aram et François Morel sous pression

Il y a donc eu quatre évictions parmi les humoristes du matin de France Inter. Le deux qui restent, François Morel et Sophia Aram savent désormais à quoi s’en tenir en cas de dérapage… Ils sont prévenus. Le message et probablement bien passé.

La semaine du départ de Porte et de Guillon, François Morel était déjà à deux doigts de craquer. Sa chronique du 25 Juin était tout, sauf de l’humour. En commençant par rappeler que « France Inter c’était [sa] radio« , il ne se défilait pas en expliquant que le départ des ses collègues l' »affectait« , et rappelait que « le mépris n’est jamais une bonne méthode de gouvernance« . Il ne profitait aussi pour adresser ses « sentiments fraternelles » à ses confrères ainsi que « ses regrets de ne plus les entendre sur cette chaine » (voir la vidéo ci dessous)

Et l’on peut se demander combien de temps encore Sophia Aram va pouvoir continuer de faire des chroniques aussi politiques, que celle-ci par exemple :  (Pandora Vox veut bien prendre les paris…)

Liberté de Presse en France : un peu enviable 44ième rang mondial (RSF 2010)

On imaginait sans doute pas que la réforme de nomination des directeurs des chaines et stations du service publique aurait un impact aussi fort sur le contenu diffusé.

En terme de censure des médias « on se croirait dans l’Italie de Berlusconi«  faisait remarquer un auditeur de la station en colère la semaine dernière.

Il est vrai que la France occupe dorénavant le peu enviable 44e rang (après le Surinam !) en matière de liberté de la presse, selon le classement 2010 établi par Reporters sans frontières (RSF) publié au mois d’Octobre dernier.

Il va falloir s’y faire, les médias de grande écoute ne sont sans doute plus aussi libres qu’avant…

Pour conclure, une bonne nouvelle toute de même : Didier Porte a été accueilli par @rrêt sur Image et propose sa chronique du jeudi sur Internet à l’adresse suivante : http://www.arretsurimages.net/chroniqueur.php?id=21

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13 réponses à France Inter, le rodéo de la chronique matinale

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