Depuis que Gérard Depardieu a décidé de quitter la France pour le petit village d’Estaimpuis en Belgique afin d’échapper à l’impôt, chacun y va de son commentaire sur cet immense acteur qui a décidé de tourner le dos à l’Hexagone. Dur évidemment de ne pas prendre partie dans cette histoire tant il est difficile de reconnaître le fantastique interprète de Cyrano dans cette ridicule fuite en avant individualiste. A y regarder de plus près pourtant Gérard a toujours été coutumier de ces prises de position tout azimut aussi fanfaronnantes que calculées.
Une gueule tellement grande qu’il ne pense qu’à la sienne
Que dire de la volonté de Depardieu de quitter le pays pour ne pas y payer ses impôts ? On reste pantois devant tant de poujadisme, d’égoïsme et de manque de reconnaissance. En d’autres temps ou en d’autres lieux, il serait lynché pour son manque de patriotisme et d’altruisme, mais il est de bon ton aujourd’hui de cracher sur la France. Jugée à longueur de médias trop archaïque et non compétitive, voilà qu’il faudrait maintenant la priver de ses ressources. Comme si cela allait aider ! Mais Gérard est bien loin de ces considérations…
On ne va pas pleurer le temps des procès en patriotisme et des exécutions en place de Grève, mais gageons qu’il est regrettable que le sens de l’honneur, de la patrie ou de la dignité soient des valeurs devenus désuètes aujourd’hui. Elles ont été remplacées par un culte de l’individualisme et une vision court-termiste avec aucun sens de la dette à l’État, comme nous le montre l’acteur Français aujourd’hui. Qui peut raisonnablement croire aujourd’hui que Gérard Depardieu ne doit rien à la France ?
Ce qu’il y a d’étonnant c’est qu’une personne d’une aussi grande qualité que Depardieu, puisse être imbu de lui même au point de penser en son for intérieur qu’il vaut vraiment ce qu’il gagne, et qu’il ne doit rien à personne.
Gérard Depardieu n’a-t-il pas bénéficié au début de sa carrière du statut d’inter-mitant du spectacle si avantageux pour les acteurs aux gros cachets ? Ou bien du système du cinéma Français qui reste l’un des plus favorable du monde ? Combien de films dans lesquels il s’est mis en valeur n’ont pas eu de subvention du CNC, des régions ou de l’État ? Gérard a oublié d’où il vient et préfère penser qu’il s’est fait tout seul ! Et il trouve plus glorieux de cracher dans la soupe et de partir vivre en Belgique à cinq-cent mètres de la frontière Française pour échapper à l’impôt.
A mesure qu’il enchainait les grands rôles, et qu’il devenait l’un des plus grands acteurs Français de tous les temps, Gérard Depardieu a rejoint le grand monde et a pris l’habitude d’user de tous les passe-droits susceptibles de protéger son pré-carré. Comme par exemple quand il fait pression via son ami Arnaud Lagardère pour faire interdire une biographie non autorisée (le livre Gérard Depardieu, itinéraire d’un ogre de Patrick Rigoulet).
« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. » (Edgar Faure)
Durant la campagne 2012, au meeting de Nicolas Sarkozy, Gérard Depardieu a prononcé un discours sans demi mesure pour soutenir son champion. Il déclarait:
« Depuis que ce nouvel ami qu’est Nicolas Sarkozy […] est au pouvoir, je n’entends que du mal de cet homme, qui ne fait que du bien »
On ne sera donc pas surpris de le voir prendre la tête de la lutte contre le trop d’impôt et s’arc-bouter contre le gouvernement mis en place par François Hollande récemment élu. Pourtant, son engagement à droite n’a pas toujours été une évidence, pour quelqu’un qui – au prétexte d’indépendance – n’ a jamais rien tant aimé que de retourner sa veste.
A part le Front National il a soutenu successivement à peu près toutes les formations politiques du pays. Socialistes dans les années 80, où il s’engage même dans un comité de soutien à François Mitterrand en 1988, communistes au début des années 90 – où il crache au bassinet pour sauver le PCF – il enchaine avec une pige pour soutenir un Vert aux municipales, avant de se rallier finalement à Sarkozy à parti de 2007. (Source Huffington Post).
Une propension à manger à tous les râteliers qui l’a conduit jusqu’à la cour de Islom Karimov le président-dictateur de l’Ouzbékistan. Pays où après avoir chanté en duo avec la fille du chef d’état, il va jouer dans une série réalisée par elle… Qu’on se le dise, Gérard est un humaniste !
Le « SCUD » de Philippe Torreton
C’est finalement Philippe Torreton qui résume le mieux la situation dans une lettre adressée à Gérard Depardieu publiée par Libération, et dans laquelle il « démolit » méthodiquement son camarade de cinéma.
Alors Gérard t’as les boules ?
Tu ne veux plus être français…? Tu quittes le navire France en pleine tempête ? Tu vends tes biens et tu pars avec ton magot dans un pays voisin aux cieux plus cléments pour les riches comme toi ? Evidemment, on cogne sur toi plus aisément que sur Bernard Arnault ou les héritiers Peugeot… C’est normal, tu es un comédien, et un comédien même riche comme toi pèse moins lourd ! Avec toi, on peut rattraper le silence gêné dont on a fait preuve pour les autres… C’est la nature de cette gauche un peu emmerdée d’être de gauche.
Mais Gérard, tu pensais qu’on allait approuver ? Tu t’attendais à quoi ? Une médaille ? Un césar d’honneur remis par Bercy ? Tu pensais que des pétitions de soutien de Français au RSA allaient fleurir un peu partout sur la Toile ? Que des associations caritatives allaient décrocher leur abbé Pierre, leur Coluche encadrés pour mettre ta tronche sous le plexi ? Le Premier ministre juge ton comportement minable, mais toi, tu le juges comment ? Héroïque ? Civique ? Citoyen ? Altruiste ? Dis-nous, on aimerait savoir…
Le Gérard «national», le rebelle de Châteauroux, le celui qui, s’il n’avait pas rencontré le cinéma, serait en taule à l’heure qu’il est comme tu le disais, le poète de l’écran la rose à la main quand ça devait faire bien d’en avoir une, qui nous sort un «c’est celui qui le dit qui y est»… Tu prends la mouche pour un petit mot et tu en appelles au respect, comme le fayot dans la cour de récré… Tu en appelles à tes gentils potes de droite pour que le grand méchant de gauche arrête de t’embêter… Tu voudrais avoir l’exil fiscal peinard, qu’on te laisse avoir le beurre et l’argent du beurre et le cul de la crémière qui tient le cinéma français… Tu voudrais qu’on te laisse t’empiffrer tranquille avec ton pinard, tes poulets, tes conserves, tes cars-loges, tes cantines, tes restos, tes bars, etc.
Et nous faire croire en tournant avec Delépine qu’un cœur social vibre encore derrière les excès et les turpitudes de l’homme… Nous faire avaler à coups de «han» de porteur d’eau que tu sèmes dans tes répliques trop longues, que l’homme poète, l’homme blessé, l’artiste est encore là en dépit des apparences… Le problème, Gérard, c’est que tes sorties de route vont toujours dans le même fossé : celui du «je pense qu’à ma gueule», celui du fric, des copains dictateurs, du pet foireux et de la miction aérienne, celui des saillies ultralibérales…
Tout le monde ne peut pas avoir l’auréole d’un Rimbaud qui, malgré ses trafics d’armes, fut et restera un poète… à jamais. Toi, tu resteras comme un type qui a fait une belle opération financière sur le cinéma français, un coup de Bourse, une OPA… Tu as transformé tes interprétations les plus réussies en stratégie de défiscalisation. Il doit y en avoir un florilège de répliques que tu as jouées et qui résonnent bizarrement maintenant !
Des répliques de poète, d’homme au grand cœur, d’yeux grands ouverts sur la misère du monde, orphelines de pensée et violées par leur interprète, parce que l’homme a les rognons couverts, mais l’acteur a fait faillite… L’homme est devenu riche mais sa fortune lui a pété à la gueule. Tu sais, ces gros pets foireux dont tu te vantes et que tu lâches sur les tournages en répondant à tes 12 téléphones au lieu de bosser ?
Tu votes pour qui tu veux, et tu fais ce que tu veux d’ailleurs, mais ferme-la, prends ton oseille et tire-toi, ne demande pas le respect, pas toi ! Sors de scène, Montfleury, «ce silène si ventru que son doigt n’atteint pas son nombril !» Et puisqu’on est dans Cyrano, te rappelles-tu de cette réplique, mon collègue, qu’il adressait à De Guiche sauvant sa peau au combat en s’étant débarrassé de son écharpe blanche ? Il demande à Cyrano ce qu’il pense de sa ruse et ce dernier lui répond… «On n’abdique pas l’honneur d’être une cible.» Tu t’en souviens ? Tu devrais… En ce temps-là, tu apprenais ton texte…
On va se démerder sans toi pour faire de ce pays un territoire où l’on peut encore, malgré la crise, se soigner correctement, où l’on peut accéder à la culture quelle que soit sa fortune, où l’on peut faire des films et monter des spectacles grâce à des subventions obtenues en prélevant l’impôt… Un pays que tu quittes au moment où l’on a besoin de toutes les forces, en plein siège d’Arras, sous les yeux des cadets médusés… Adieu.
5 réponses à 22/12/2012 – Va au diable Gérard Depardieu !